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Numéro 5 : Éditorial

Juillet a célébré une grande fête à la gloire des bateaux. De différents pays du monde, des navires prestigieux sont venus au Havre, remonter la Seine, aller jusqu'à Rouen. Nous ne pouvions que nous réjouir de cette grande fête navale.

Mais si nous avons été heureux de voir la Seine-Maritime et Le Havre accueillir tous ces bateaux, notre volonté, c'est avant tout de voir Le Havre, et plus largement la Seine-maritime, continuer à construire et réparer des bateaux, et continuer aussi à conjuguer : accueil et construction de navires.

Une ombre a plané sur cette armada, une ombre faite de l'angoisse des travailleurs des A.C.H. déjà licenciés ou qui vont l’être dans les prochains mois une ombre faite de la fermeture du dernier maillon Havrais de la construction navale: les A.C.H.

Le Havre a été créé, de toutes pièces, sur une zone hostile, faite de marécages malsains, pour être un Port: port militaire d'abord, mais aussi port de commerce, port de pêche, port de voyages. Qui dit Port, dit activité navale : construction et réparation de bateaux.

Toute l'histoire de Havre est liée depuis toujours à cette activité. Des milliers et des milliers de bateaux ont été conçus, construits dans les chantiers du Havre pour sillonner les mers du monde : navires de commerce, bateaux de pêche, vaisseaux de guerre ...

Les Havrais sont fiers de leurs bateaux, fiers du travail des ingénieurs, techniciens, ouvriers de divers métiers qui ont conçu et construit des paquebots à voile prestigieux que sont les "Wind Star" et les "Club Med" sortis des A.C.H. et de tant d'autres bateaux.

Cette activité navale fait partie de l'identité profonde du Havre et de sa substance vitale. C'est un élément essentiel du patrimoine économique de la cité. Supprimer cette activité aura comme conséquence de mutiler gravement Le Havre. De tout temps, les Havrais se sont battus farouchement pour maintenir cette vocation navale du Havre. Hier les luttes des travailleurs d'Augustin Normand, la grande lutte d'un an des Forges et Chantiers de la Méditerranée en 1965-66, celles des travailleurs de la réparation navale : Caillard, Chantiers de Normandie, Arno ... (Nous aurons l’occasion d’y revenir dans un prochain numéro du fil Rouge en préparation). Aujourd'hui c'est la lutte tenace, farouche que mènent depuis plusieurs années les travailleurs des A.C.H. avec leur syndicat C.G.T. pour sauvegarder leurs emplois et leur outil de travail. Cette lutte est devenue celle de tous les salariés de la région havraise et celle de toute la population, grâce à un comité de soutien. Au travers de multiples actions, tous ont exprimé leur attachement viscéral à cette activité navale au Havre.

Seul le soleil de l'action, de la lutte pourra dissiper demain cette ombre. Les Havrais n'ont jamais baissé les bras. Ils ne les baisseront pas demain pour défendre leur droit au travail, leur patrimoine économique, et construire un avenir où l'homme aura toute sa place .

Albert Perrot

vice-président de l'Institut CGT d'Histoire Sociale de Seine-Maritime

site de l'IHS CGT 76e