Numéro 8
Un monument consacré à notre Histoire sociale
A nos
Martyrs, pour la mémoireMarcel Letessier
Dans la cour du siège de l’Union locale CGT de Rouen, rue du Renard, un monument était installé.
Il alignait les noms des martyrs de la Résistance, syndiqués de la CGT, morts pour notre liberté.
Devant cette remarquable œuvre commémorative, un hommage solennel à leur mémoire était rendu jusqu’à cette année, par les syndiqués et les démocrates, à l’occasion de l’anniversaire de la Libération de Rouen.
Marcel Letessier, ancien secrétaire de l’Union Départementale CGT retrace l’histoire de ce monument.
Un autre lieu, une même volonté.
Depuis 1944, l’Union départementale, l’Union locale et les Syndicats CGT étaient logés dans des baraquements provisoires, les locaux de la Bourse du travail n’ayant pas résisté aux bombardements de Rouen.
La CGT avait emménagé rue du Renard en 1963, dans ce bâtiment qui était une usine désaffectée.
Depuis quelques semaines, la CGT a quitté les locaux de la rue du Renard, mais le monument n’a pas pu être déplacé
Le 28 août 1970, pour le 26e anniversaire de la Libération de Rouen, au siège des Syndicats CGT de Rouen, rue du Renard, l’Union Départementale et l’Union locale inauguraient un monument à la mémoire des militants et syndiqués CGT de
Seine-Maritime fusillés ou morts en déportation du fait de leurs actions dans la Résistance, pendant la Seconde Guerre Mondiale
.Cette réalisation poursuivait deux objectifs:
Rendre un hommage mérité à ceux qui avaient combattu l’occupant nazi et le régime de Vichy.
Faire connaître aux jeunes générations le rôle joué par la CGT, et ses militants, dans le combat libérateur ; alors que les dirigeants du Conseil National du Patronat collaboraient et composaient avec l’occupant.
C’est Roger Sporry, secrétaire de l’Union Départementale (qui, en 1944, avait été membre du Comité Départemental de Libération), qui fut chargé de répertorier les noms des camarades disparus. Ce travail minutieux aboutit à recenser 175 noms.
La réalisation du monument fut confiée au jeune sculpteur Jean Kerbrat, et financé par une souscription réalisée dans les syndicats et les Unions locales du département.
C’est en présence de Louis Saillant, Secrétaire confédéral de la CGT, Président de la Fédération syndicale mondiale (FSM) et ancien membre du Conseil national de la Résistance (CNR) que fut inauguré ce monument.
La foule de militants et d’adhérents de la CGT était si importante que la cour du siège de la rue du Renard, où était édifié le monument, s’avérait trop petite pour la contenir. De nombreuses figures de la Résistance avaient témoigné de leur présence. Louis Eudier, ancien Secrétaire général de l’Union locale du Havre, Jacques Ebérhard, Sénateur communiste, André Duroméa, député-maire du Havre, René Millot, Président de l’association des fils et filles de fusillés, de nombreux résistants, notamment Yvon Bonnard, Germaine Pican et Henri Levillain, des élus communistes du département.
Il revenait à Marcel Letessier, Secrétaire de l’Union départementale, de rendre l'hommage de l’Union départementale CGT aux 175 victimes du nazisme.
C’est à Louis Saillant que revint l’honneur de rappeler ce que fut le Conseil National de la Résistance, créé le 27 mai 1943, et qui unifia sur un programme toutes les organisations de la Résistance, pour contribuer à la libération du pays et ensuite le reconstruire. A cette occasion il rappela les objectifs de progrès social, de démocratie et de paix contenus dans le programme du CNR. Comment, malgré l’opposition du patronat et des force réactionnaires, une partie de ses objectifs étaient réalisés, comme la Sécurité sociale, les nationalisations et les statuts. Il montrait la nécessité pour le mouvement syndical de poursuivre son action en prolongeant ce combat pour le progrès social, la démocratie et la paix, afin de poursuivre l’idéal de ces hommes auxquels il était rendu hommage.
Réalisé en plomb, sur un support de bois et de plâtre, il avait trop souffert de ses 30 années d’existence.
Une nouvelle stèle sera érigée dans les locaux de la nouvelle maison de la CGT, 26 avenue Jean Rondeaux. Dans l’esprit du précédent monument, elle portera les 175 noms des martyrs et reprendra également l’extrait du poème de Paul Eluard: «
D’un hameçon plus habile que vos potences nous prendrons notre bien où nous voulons qu’il soit ».
Le monument « à la mémoire des militants de la CGT fusillés ou morts en déportation du fait de leur action dans la Résistance », tel qu’il s‘est présenté pendant 30 ans, dans la cour des locaux de la CGT rue du Renard.
Photographie de Robert Privat