Numéro 9
Préservation des archives
Une étape importante vient d’être franchie !
Dès sa création, notre Institut CGT d’Histoire sociale de Seine Maritime s’était assigné comme l’une de ses principales missions la préservation des archives syndicales.
L’article 3 de nos statuts le précise d’ailleurs: « l’institut se fixe comme mission le collectage, la sauvegarde et le traitement d’informations et de documents de toute nature, se rattachant à l’histoire sociale de la Seine Maritime, et plus particulièrement à l’histoire du syndicalisme (…). »
Avec le dépôt de deux fonds d’archives importants de la CGT aux archives départementales, on peut dire que nous avons passé une première étape dans ce travail de longue haleine.
Dès l’assemblée constitutive de l’Institut, cette question était à l’ordre du jour. Elle le sera régulièrement depuis.
Les membres du Conseil d’administration étaient préoccupés par le risque de destruction que faisait peser sur les traces de la vie syndicale, la disparition des entreprises.
« Dans 50 ans avec quoi écrira-t-on l’histoire syndicale ? » pouvait-on lire dans la première publication de l’Institu
t en janvier 1997.« Lorsqu’un étudiant ou un historien se penchera sur l’histoire de votre syndicat, de votre entreprise, de votre union locale, de votre branche professionnelle, de votre convention collective ou d’un conflit social auquel vous avez participé, il aura, tout d’abord, à sa disposition les articles de presse.
Peut-être aura-il accès aux archives de la préfecture qui seront reversées aux Archives Départementales. Il pourra donc y trouver des rapports de police, ou des renseignements généraux.
Si notre historien n’a à sa disposition que ces sources, il ne pourra traduire que très imparfaitement votre vie syndicale et votre engagement militant. Il lui manquera quelque chose.
Peut-être même se demanderait-il à quoi s’occupaient ces syndicalistes ?
Constituer et préserver nos archives, c’est important !
Nous avons un devoir de mémoire vis à vis des générations futures, et ce devoir passe par la préservation d’archives.
Il faut que nous laissions de la matière sur laquelle les historiens pourront travailler. En fait il faut que l’on puisse connaître la version syndicale des évènements. Mais pour préserver des archives, encore faut-il en constituer, et ce n’est pas dans ce domaine que les militants de la CGT sont les meilleurs.
Dans les premiers syndicats, le premier responsable que l’on élisait, c’était l’archiviste. Sans doute nos anciens étaient-ils pénétrés par l’idée qu’ils travaillaient pour les générations futures, et que de ce fait les archives avaient une grande importance.
Mais ils avaient sûrement aussi appris à leur dépens qu’il était grave de ne pas avoir d’archives, d’autant que le patronat en constituait de son coté et s’en servait à l’occasion.
C’est toujours le cas aujourd’hui, aussi notre tout nouvel institut s’est donné comme tâche prioritaire de travailler à la préservation des archives de la CGT en Seine-Maritime. »
1997: La perspective de nouveaux locaux accélère la réflexion
Dès cette époque, il est question du déménagement prochain de l’Union locale de Rouen et des syndicats qui y sont logés, ainsi que celle de l’Union départementale, dans de nouveaux locaux rive gauche.
Or les déménagements sont souvent une véritable catastrophe pour les archives. Celles-ci, qui ne font pas partie des préoccupations premières des militants, risquent de s’en retrouver sérieusement allégées. Le risque était que l’on opère par « classement vertical » - la poubelle - plutôt que de passer du temps à les mettre dans des cartons. En effet, les archives c’est lourd, ça prend de la place et on ne sait pas trop ni quoi en faire ni à quoi cela peut servir.
Pourtant, les militants syndicaux n’étaient pas si
« à l’aise » que cela. On ne fait pas disparaître comme cela les preuves de l’activité syndicale.
C’est pourquoi plus on s’approchait de la date fatidique, plus les interventions des militants de notre Institut trouvaient un écho grandissant .
L’appel aux Archives départementales.
Dès l’origine il était apparu évident aux membres de notre institut comme aux principaux animateurs de la CGT (Union départementale comme Union locale de Rouen) que la solution n’était pas d’entreposer les archives dans les nouveaux locaux.
En effet, le bâtiment, pour autant fonctionnel qu’il soit, ne permettait pas de créer un local d’archives suffisamment vaste pour les entreposer toutes.
D’autre part, la gestion d’archive, c’est un métier. La CGT n’a les moyens ni de financer le salaire d’un archiviste professionnel, ni d’aménager une salle de lecture pour les chercheurs qui sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à l’histoire sociale (étudiants, professeurs, etc.).
C’est donc tout naturellement que plusieurs militants ont proposé de se tourner vers les Archives départementales, comme cela a déjà été fait par de nombreuses Unions départementales (ex: le Calvados).
Dire que la décision a été facile et rapide à prendre, ce serait aller un peu vite. Il a fallu surmonter les réticences de certains camarades, tout en trouvant les modalités qui assurent à la CGT de rester propriétaire de ses archives et donc de pouvoir, le cas échéant, les reprendre.
En fait, les Archives départementales sont le Service public « ad hoc ». Ce sont des professionnels. Leur métier c’est justement celui de faire ce que l’on ne sait pas faire.
De plus, elles disposent d’une vaste salle de lecture où les archives pourront, en toute sécurité, sans risque de vol ou de dégradation, être manipulées à but de recherche historique.
En décembre 1999, le CA de notre Institut organisait une première rencontre dans le cadre d’une visite aux archives. Une délégation était reçue par Madame Senthilhes, directrice des Archives départementales, qui nous présentait son service. Elle nous faisait apporter plusieurs cartons d’archives, choisis par nous dans le fonds de la Seine-Maritime, pour nous montrer l’intérêt des Archives départementales.
Au printemps 2000, Madame Senthiles, accompagnée de M. Mouradian, Conservateur des Archives de France et directeur des Archives du monde du travail, rencontraient la direction de l’Union départementale de Seine-Maritime et visitaient les fonds de la CGT.
Petite particularité, M. Mouradian connaissait les archives de l’UD. C’est lui qui, dans les années 70, alors qu’il était en début de carrière aux Archives de la Seine-Maritime, en avait fait un premier classement dans le cadre de son activité militante syndicale CGT.
Le contact était noué. Deux conventions de dépôt des archives syndicales seront signés à l’automne 2000, avec les Archives départementales. L’une pour l’UL de Rouen et l’autre pour l’UD de Seine Maritime, qui restent chacune propriétaire de leur fonds. Les Archives départementale en assurent le classement et la gestion. Elles consultent la CGT pour la mise à disposition des documents.
Dès avant les déménagements, le service des Archives détachait plusieurs salariés pour aider au regroupement, à la mise en boites, pour commencer l’inventaire et transporter les cartons dans leurs locaux de Darnétal.
C’est plus de 400 cartons de compte rendus de congrès, réunions, tracts, affiches, photos et journaux retraçant l’histoire des luttes et de l’activité de la CGT. Mis bout à bout, cela représente plus de 80 mètres d’archives. On y trouve des documents très anciens, comme ces documents datant de 1896 que l’on trouve dans le fonds du syndicat des métaux de Rouen. Ils seront bientôt mis à la disposition des chercheurs et des étudiants.
De l’avis même de Mme Sentilhes, c’est un véritable trésor et une source d’informations irremplaçable.
Poursuivre l’œuvre entreprise
Une première étape a été franchie. Ce n’est qu’un début. Il en faudra d’autres.
De nombreuses archives syndicales restent en danger, car elles sont entreposées dans des locaux précaires — précarité des entreprises — , ou peu adaptés — caves humides, greniers — .
De nombreuses archives dorment chez de vieux militants — par exemple des carnets de notes —, et risquent de disparaître avec eux.
Enfin les archives se constituent en permanence. C’est aujourd’hui que se rassemblent les photographies, témoignages et traces diverses du mouvement de décembre 1995, comme celui de janvier 2001 sur les retraites. La vie continue.
L’histoire s’écrira, demain, avec les archives que nous aurons constituées aujourd’hui.