« Les Sarkozy débarquent en fanfare à Bercy« : titrait Le Canard enchaîné le 5 mai 2004 ! C’était l’époque où l’individu devenait ministre des finances de la République. On aurait dû se méfier !
« Rien n’est trop beau pour le ministre des Finances et son épouse. Mais gourmandise immobilière et obsessions sécuritaires commencent à faire jaser.
Les fonctionnaires du ministère des Finances ont dû, toutes affaires cessantes, s’acquitter, lundi 3 mai, d’une mission de la plus haute importance : acheter cinq téléviseurs à écran plasma – entre 3000 et 5000 euros pièce – que réclamait Cécilia Sarkozy. Destination : les chambres des appartements dans lesquels sa petite famille s’est installée. Et c’est bien naturel, car les postes à écran classique qui équipaient le ministère fatiguent les yeux.
Quand Sarko proclamait son intention de gérer la France en « bon père de famille », il pensait sans doute à sa famille. Et naturellement pas à cet « État modeste » dont Chirac nous rebattait les oreilles à peine élu.
Dans ces immenses bâtiments où Sarko proclame qu’il veut faire 200 millions d’euros d’économies, les fonctionnaires n’ont pas tardé à connaître leur nouveau patron et sa conseillère technique non rémunérée. Avec une mention spéciale pour l’omniprésente Cécilia, qui s’est fait attribuer un bureau de 50 m2 et trois secrétaires. L’un de ces grands serviteurs de l’État se confie : « C’est comme si une nuée de sauterelles s’était abattue sur le ministère.
Tout a commencé la veille de l’installation des Sarkozy à Bercy, le 31mars. Dans une note adressée à tous ses collègues du ministère sur le réseau informatique Iris, le sous-directeur de la logistique répercutait une consigne donnée par le secrétaire général du ministère (un ancien trésorier-payeur général des Hauts-de-Seine) selon laquelle «toute demande de Cécilia Sarkozy devait être honorée et qu’il ne soit jamais fait référence aux problèmes de coût ou de disponibilité de crédits». Textuel.
Dès le lendemain venait la première mise à l’épreuve avec le partage des appartements de fonction installés dans « l’hôtel des ministres », la partie du bâtiment réservée au logement du grand argentier et de ses adjoints.
Cet « hôtel » se compose de cinq logements, respectivement de 275 m2, 330 m2, 83 m2 et 78 m2 pour les deux derniers. Hôtel du lionceau d’or. Cécilia a fait attribuer le plus vaste au directeur de cabinet, Claude Guéant, ce qui constitue, disent les plus vieux fonctionnaires, une première dans l’histoire du ministère. Jamais, en effet, un « dir-cab » n’avait bénéficié d’un logement de fonction. Comme « Le Parisien » l’a écrit, Cécilia a ensuite jeté son dévolu sur le duplex de 275 m2 installé aux huitième et neuvième étages. Les deux appartements de 78 m ont été affectés, l’un à l’aînée des filles de Cécilia (d’un premier lit), l’autre à 1 employée de maison personnelle du couple Sarko. Le dernier est réservé au repos des policiers qui veillent sur la famille.
Cette conquête à la hussarde s’est effectuée au détriment du petit personnel. Ainsi François Loos, ministre délégué au Commerce extérieur, qui occupait l’appartement de 275 m2 (il est père de six enfants…), a été prié de faire ses valises pour emménager dans un 150 m2 (quand même) loué en catastrophe, mais pour la bonne cause, dans l’île Saint-Louis. Le loyer est presque donné : 4 500 euros par mois. Hors charges, cela va de soi.
Autre mal-logé, Patrick Devedjian, ministre délégué à l’Industrie, qui, faute d’avoir pu poser ses malles à Bercy (ni au ministère de l’Industrie, avenue de Ségur), a fait des pieds et des mains pour obtenir un logement dans Paris intra-muros estimant que le trajet quotidien entre Bercy et Antony (Hauts-de-Seine), où il réside, lui ferait perdre du temps.
Le prédécesseur de Sarko, Francis Mer avait mis, lui un point d’honneur à faire chaque jour l’aller-retour entre le ministère et son pavillon de Bourg-la-Reine. En définitive, un coquet pied-à-terre parisien de 165 m2 a été trouvé pour Devedjian, lui aussi dans l’île Saint-Louis pour un loyer modique de 6 000 euros hors charges également. « On ne pouvait pas laisser M. Devedjian dans la rue », répond sans rire au « Canard » le directeur du personnel et du matériel du ministère. L’abbé Pierre et Droit au logement seront contents. Charges comprises, les deux petits Robinson de l’île Saint-Louis coûteront chaque année 144 000 euros à la République. Ils étaient tellement dans l’urgence qu’ils ont emménagé avant même que le secrétariat général du gouvernement rende son avis, pourtant indispensable selon la réglementation.
Une fois ces questions d’espace vital réglées, Cécilia s’est ensuite penchée sur le bien-être du clan Sarko. Les 42 membres du cabinet vont ainsi tous disposer d’un téléviseur, alors qu’ils n’étaient que cinq, jusque-là, à bénéficier d’un tel privilège. Mieux : tous auront droit à un réfrigérateur dans leur bureau. En vue de la prochaine canicule ?
Pour le bonheur de sa petite famille, Cécilia n’a pas non plus lésiné : 4 Renault VelSatis et 3 Peugeot 607 sont mises à la disposition du clan. Tous les matins, c’est donc une voiture du ministère qui conduit le petit dernier de la nichée à l’école. « En utilisant la sirène, ce qui est illégal, mais le môme adore qu’on fasse pimpon », rapporte l’un des « baby-sitters » désignés d’office.
Cette famille unie a organisé, voilà quelques jours, une fête pour le petit dernier en question. En mère attentionnée, Cécilia a souhaité que tous les gamins invités à cette sauterie restent dormir. Mais il fallait faire les lits. On a donc tiré de chez elle, un soir de week-end, la lingère du ministère pour qu’elle vienne mettre des draps frais.
Ministre aux grands pieds, rien n’est trop beau pour le confort du grand homme et de son épouse : Mme Sarkozy a demandé qu’un lit de deux mètres sur deux soit installé dans leur chambre.
L’étiquette est à l’avenant. Jusqu’alors, les huissiers du cabinet travaillaient en costume-cravate, la tenue d’apparat avec queue-de-pie et chaîne en argent n’étant sortie des placards que pour les grandes occasions. Depuis l’arrivée de Sarko, ces huissiers revêtent la grande tenue tous les jours : « C’est parce qu’ils l’ont demandé », jure Cécilia au « Figaro » (4/5). De même, les personnels affectés aux appartements privés devront porter la livrée. La veste blanche est aussi de rigueur lors des repas du soir.
Et, pour qu’aucune fausse note ne vienne troubler le bel ordonnancement familial l’intendant de l’« hôtel des ministres » a été viré et remplacé par celui qui officiait au ministère de l’Intérieur. Sarkoléon percerait-il sous Sarkozy ? Sonnette d’alarme
L’obsession de la sécurité se retrouve partout. Pas moins dé 24 policiers – compte tenu des rotations, maladies et récupérations – veillent sur Sarko et sa famille (contre une douzaine auparavant). Les systèmes d’alarme pullulent dans les logements de fonction. Le ministre est suivi par deux policiers lors des trajets entre son bureau et son appartement. Soit une centaine de mètres de couloirs, dont l’accès est pourtant contrôlé.
Une dernière exigence sécuritaire a fait débat au sein du ministère : Sarko demandait qu’un petit bouton de sonnette soit fixé sous son bureau afin de pouvoir alerter immédiatement, en cas de danger, les policiers chargés de sa surveillance qui campent dans une pièce voisine (à une dizaine de mètres). Mais voilà : le bureau du ministre de l’Économie n’a pas été acheté chez Ikea. Lors de la construction du ministère des Finances, cinq bureaux de ministre avaient été commandés à des créateurs.
Dont celui qu’occupe Nicolas. Avait-on le droit de faire un trou dans une œuvre d’art ? Le nœud gordien a été tranché par Cécilia : la sécurité doit primer. Il y avait déjà Xavière et Jean, Bernadette et Jacques. Le concours pour le couple de l’année 2004 est ouvert.
Un bolide à sa mesure. A peine venait-il d’arriver à Bercy que son refus tombait net. Pas question pour Sarko de rouler en Velsatis Diesel comme son prédécesseur Francis Mer. On a donc rapatrié de la Place Beauvau le modèle haut de gamme qu’il utilisait alors. Dernier record, selon l’un des passagers de la 607 bourrée de flics qui le suit dans ses déplacements : quinze minutes entre Bercy et le conseil général des Hauts-de-Seine. Inquiet, l’un des chauffeurs aurait demandé sa mutation.
Quand Sarko prend la navette fluviale pour se rendre de Bercy à l’Assemblée, il veut que son petit bolide soit là à l’attendre, comme c’est l’usage, à la Concorde. C’est « Taxi 4 » !
Le Canard enchaîné, 5 mai 2004″
Cet article était donc dans le Canard enchaîné du 5 mai 2004. Les français étaient donc prévenus ! A le relire, on n’est plus étonné qu’une telle gestion de l’État ait produit le doublement de la dette en 8 ans. Elle frôle désormais les 175 milliards d’euros : une fraise dans la gueule d’un lion !